vendredi, février 18, 2005

Le problème, c'est l'état.

Je parcours souvent le site suivant: www.jp-petit.com oeuvre d'un directeur de recherche au CNRS et qui donne un avis d'un très haut niveau scientifique sur nombre de problèmes scientifiques, politiques et économiques. J'ai déjà eu l'occasion d'exprimer mon désaccord avec certaines de ses idées scientifiques, néanmoins je recommande chaudement ce site, ne serait-ce que parce que Jean-Pierre Petit donne et applique à lui-même un conseil inestimable: "pensez par vous-même".

Malgré cela, je ne suis pas non plus d'accord avec certaines thèses politiques de Jean-Pierre Petit. C'est sans doute un ancien communiste, cela se ressent par exemple dans cet article. Il y dénonce le fait que les "puissances d'argent" se sont emparées du pouvoir au sein de l'état américain. Les mêmes puissances, déjà derrière la "mondialisation néo-libérale", seraient aussi à l'oeuvre en France, bien entendu.

Pour comprendre ce que Jean-Pierre Petit veut dire, on peut penser aux Nazis. Lorsque les puissances de suprématie raciale prirent le pouvoir en Allemagne, le résultat fut évidemment horrible. Jean-Pierre Petit pense que c'est la nature de l'idéologie au pouvoir qui provoque, lorsqu'elle est délétère, des atrocités. Le pouvoir de l'argent est néfaste, c'est un crédo typique des communistes. Une idéologie généreuse au pouvoir n'aurait pas les mêmes effets. D'ailleurs Jean-Pierre Petit encourage ses lecteurs à agir pour reprendre le pouvoir aux puissances d'argent qui l'ont confisqué.

Malheureusement, j'ai bien peur que le remède qu'il propose soit aussi horrible que le mal qu'il dénonce.

Ce que Jean-Pierre Petit ne comprend pas, c'est que le problème n'est pas dans l'existence des puissances d'argent ou le développement d'idéologies délétères. Le problème n'est pas non plus que des puissances ou des idéologies, quelles qu'elles soient, veuillent s'emparer du pouvoir car c'est dans la nature des idées de vouloir être appliquées. Le problème, c'est l'existence même du pouvoir politique, que je définis comme la capacité de contraindre les êtres humains à agir contre leur volonté ou, plus généralement, le pouvoir de priver les êtres humains de leurs droits (dont la liberté).

Pour comprendre pourquoi Jean-Pierre Petit a tort, il suffit de constater que lorsque les idéologies socialistes exercent le pouvoir politique dans le bloc soviétique, en Chine, en Corée du Nord ou ailleurs, le résultat n'est guère brillant non plus. Peut-être que, mis devant ce fait, comme la plupart des communistes, Jean-Pierre Petit se retrancherait derrière le sempiternel "en URSS, ce n'était par vraiment l'idéal communiste". Mais alors comment explique-t-il que tous les pays communistes, sans aucune exception, sont devenus des dictatures? Curieuse idéologie qui n'engendre jamais que sa propre perversion.

Pour ma part, je n'ai aucun doute que si l'idéologie alter-mondialiste ou toute autre idéologie, aussi généreuse fût-elle, prenait le pouvoir politique, le résultat finirait par être tout aussi horrible qu'avec les idéologies nazies ou les "puissances d'argent". Laissez-moi vous expliquer pourquoi.

Ces atrocités (goulag, holocauste, famines organisées, purges politiques, etc...) ne sont pas uniquement le résultat de l'idéologie ou de l'idéologue qui exerce le pouvoir. Adolf Hitler et les Nazis auraient eu le plus grand mal à exterminer 6 millions de Juifs s'il n'avaient pas eu la puissance de l'état allemand nazifié à leur disposition. George W. Bush, Halliburton et autres profiteurs n'auraient pas envahi l'Irak s'ils avaient dû financer l'opération eux-mêmes. Staline n'aurait pas exterminé des millions de koulaks sans l'appareil répressif communiste. Seul le fait que l'état a le pouvoir d'obliger les citoyens à payer des impôts ou à obéir aux ordres a permis ces atrocités. En d'autres termes, les crimes que l'on impute aux idéologies ne sont en fait que l'amplification du pouvoir politique, la négation des droits poussée à l'extrême.

Pour ma part, je suis réaliste. Les "puissances d'argent" (entreprises multinationales), les idéologies de suprématie raciale, de socialisme, d'alter-mondialisme ou autres (religieuses, scientistes...) existeront toujours. On ne peut pas tuer des idées, aussi nauséabondes fussent-elles. Il ne sert à rien de réformer le pouvoir politique car cela équivaut à le confier à une idéologie différente. La seule solution raisonnable d'empêcher les idéologies ou les puissances d'argent de nuire est de supprimer le pouvoir politique purement et simplement.