samedi, février 19, 2005

Pétrole irakien

Je voudrais revenir un peu plus longuement sur l'article de François-René Rideau (Faré dans la suite), voulant démontrer que la guerre en Irak n'a pas pour but de mettre la main sur le pétrole irakien. Cet article collectionne les erreurs, tant sur les faits que dans la logique du raisonnement. Ce sera l'occasion de comprendre un peu mieux les principes du libéralisme et d'introduire ma théorie sur le pétrole et le réchauffement dû à l'effet de serre.

Tout d'abord, Faré précise que son article fait suite à des déclarations de certains qui pensent que "la guerre en Irak est un prétexte pour s'emparer du pétrole Irakien". Fort bien, je suis en grande partie d'accord avec cette dernière phrase. Mais, en fait, l'article de Faré n'y répond pas du tout car il s'intéresse seulement au rapport coût/bénéfices de cette opération.

Il y a là une première erreur, extrêmement grossière, de logique.

En effet, Faré raisonne comme si le seul intérêt du pétrole est dans l'argent qu'il rapporte. Or le pétrole a bien d'autres usages que le profit des compagnies pétrolières. Il sert aussi de carburant pour les transports, de produit de base pour les engrais et les matières plastiques et on ne lui connaît pas, aujourd'hui, d'équivalent au même coût. Par conséquent, si elle était privée de pétrole, l'économie américaine, qui en est la première consommatrice, serait en grande difficulté, subissant un préjudice bien plus grave que le coût de l'intervention. Un point de croissance perdu, ce sont 100 milliards de dollars en moins. Le pétrole joue, en quelque sorte, le rôle de catalyseur de l'économie américaine. Autrement dit, les Etats-Unis se retrouvent dans la situation d'un drogué qui, pour acheter quelques doses de son poison, brutalise une vieille dame pour lui prendre son sac. Le préjudice subi par la vieille dame est bien plus grand que le coût de la drogue. Si l'on suit le raisonnement de Faré, on en déduirait qu'aucun drogué n'a jamais brutalisé personne pour lui voler de quoi acheter sa dose.

La seconde erreur que commet Faré, légèrement moins grossière, est de ne s'intéresser qu'au profit des compagnies pétrolières. On peut effectivement gagner beaucoup d'argent en vendant le pétrole irakien. Mais il y a une autre façon de gagner de l'argent avec le pétrole irakien. On peut aussi l'acheter moins cher que prévu. En d'autres termes, on fait des économies en forçant les Irakiens à le vendre moins cher que le prix qu'ils auraient consentis s'ils avaient décidé librement. J'affirme que, si le marché du pétrole était libre (sans intervention des états, notamment occidentaux), le prix du pétrole brut serait bien plus élevé que les $50/baril que nous payons aujourd'hui. Il serait sans doute 3 ou 4 fois plus élevé, aux alentours de $150/baril. J'aurai l'occasion d'y revenir, la démonstration de cette théorie est en fait est extrêmement aisée.

La troisième erreur que commet Faré est dans la transposition des chiffres américains vers l'Irak. Or, si les prix de vente sont à peu près les mêmes, les coûts d'extraction du pétrole américain n'ont rien à voir avec ceux du pétrole irakien. La pétrole américain a déjà passé son pic d'Hubbert, la limite au-delà de laquelle l'extraction devient de plus en plus difficile. Et les coûts de main d'oeuvre américain sont bien plus élevés qu'en Irak. En fait, le coût d'extraction du pétrole irakien est aux alentours de $1/baril ce qui permet d'escompter, pour une production de 2,5 millions de barils/jour et un prix de vente moyen de $45, un bénéfice par an de plus de 35 milliards de dollars, et non pas 12 milliards comme le pense Faré. D'après les chiffres que j'ai pu entendre, le coût de l'occupation américaine en Irak est de 2.5 milliards de dollars par mois, soit 30 milliards par an environ. La conclusion de Faré est donc fausse.

La quatrième erreur est d'analyser les chiffres du pétrole dans le futur en se basant sur les chiffres du passé. Or le prix du baril a considérablement augmenté récemment (passant en quelques mois de $25/baril à plus de $45), notamment à cause de l'augmentation de la consommation des Chinois. Je suis intimement persuadé que le gouvernement américain a décidé la guerre en Irak en partie parce qu'il sait que les réserves mondiales sont surestimées, que le prix du brut ne peut plus qu'augmenter et que les Etats-Unis doivent utiliser leur force militaire pour contrôler les dernières réserves mondiales de pétrole brut à coût réduit.

Enfin, la cinquième et dernière erreur est, comme je l'avais déjà signalé, de ne pas se rendre compte que le coût de l'occupation ne sort pas de la même poche que celle où vont les profits des compagnies pétrolières, ce qui rend le calcul du rapport coût/bénéfices complètement idiot. Si l'on appliquait le raisonnement de Faré au loto, on en conclurait que personne n'y joue jamais.