mardi, février 22, 2005

Bush est-il libéral (II)?

Il est établi maintenant, du mois je l'espère, que George W. Bush n'est pas libéral en matière philosophique et politique: allié des intégristes religieux, opposé à l'avortement, partisan de l'interventionnisme de l'état (p.ex. en Irak), en faveur de la "guerre contre la drogue", il est globalement conservateur.

Mais, du moins les étatistes français l'espèrent, George W. est libéral économique, n'est-ce pas? N'est-il pas au service des multinationales américaines, surtout pétrolières? Ne ponctue-t-il pas chaque phrase de ses discours d'un puissant "freedom"? Ne promeut-il pas le libre-échange, en Amérique du Sud, en Afrique et au Moyen-Orient? N'a-t-il pas refusé de signer le protocole de Kyoto, cette merveille de l'écologie? Dites-nous que l'on pourra s'en servir comme d'un repoussoir pour montrer à quel point le libéralisme économique est une calamité!

Hé bien, effectivement George Bush, comme beaucoup de politiciens, récupère à son profit les bonnes idées du libéralisme: la liberté économique, le capitalisme et le libre-échange sont vus positivement par beaucoup d'Américains donc Bush les brandit comme un slogan électoral. A l'opposé, l'interventionnisme étatique, l'économie planifiée et le dirigisme, symbolisés par le protocole de Kyoto, sont impopulaires donc George W. Bush s'y prétend opposé. En quelque sorte, il s'agit là d'une version américaine de la démagogie qui a cours en France.

En France, le capitalisme, le libre-échange et la liberté économique sont considérés avec méfiance, voire avec haine pour l'extrême-gauche et l'extrême-droite, soit au moins 30% de la population. A contrario, l'intervention de l'état dans l'économie, présentée sous la forme de droits des salariés, de promotion des services publics à la française, de nationalisations compétitives et d'organisation jacobine de l'état se sont imposées dans l'opinion. Les hommes politiques français surfent sur cette méfiance envers le libéralisme économique, il est donc normal qu'ils entretiennent cette phobie. De fait, tout ce qui est fait par Bush est automatiquement qualifié de libéral. Toute mesure impopulaire prise par le gouvernement en place est qualifiée de libérale par l'opposition. Cette propagande permanente finit par établir l'égalité "libéralisme économique = mal".

Bizarrement, dans les autres domaines de la vie (culture, moeurs, distractions, loisirs, etc...), non seulement les idées du libéralisme sont populaires mais elles sont même indispensables. La liberté d'expression, l'une des premières exigences du libéralisme, est vitale pour tous: peu de citoyens ont envie de voir l'état planifier, diriger ou intervenir dans ces domaines. La censure est, fort justement de mon point de vue, décriée. Ne nous moquons-nous pas de ces pauvres Américains qui poussent des cris d'orfraie lorsqu'une chanteuse (noire de surcroît) montre subrepticement un bout de sein?

En résumé, Bush est libéral économique mais anti-libéral dans les autres domaines, tandis que nous les Français, nous sommes libéraux dans tous les domaines, sauf pour l'économie. En tout cas, c'est l'idée que nous aimons entretenir.

Il faut casser ce mythe.

Il est vrai que les Etats-Unis ont encore une économie globalement plus libre que la notre: ils sont 12ème dans le classement de la liberté économique alors que la France y est seulement 44ème. Mais l'arrivée de Bush correspond à un véritable retour en force aux Etats-Unis des théories économiqes dirigistes.

Voici quelques-une des réalisations de Bush, depuis son arrivée à la Maison Blanche en 2001:
-renforcement du protectionnisme américain, notamment pour l'acier et l'agriculture,
-interventionnisme de l'état en faveur du pétrole, par l'attaque de l'Irak et par le refus de laisser le marché libre jouer son rôle en ce domaine,
-augmentation des aides sociales distribuées par les organisations religieuses,
-augmentation massive des subventions à l'agriculture, surtout envers les plus gros producteurs,
-augmentation des dépenses publiques dans à peu près tous les domaines. En fait, Bush est le président américain qui a le plus augmenté les dépenses fédérales au moins depuis Nixon,
-régulation et interventionnisme contre la pollution, aides massives de l'état pour développer la voiture propre par la Freedom Car Initiative,
-augmentation des déficits publics et relance keynésienne,
-baisse massive des taux d'intérêt à court terme, bien en dessous des taux du marché, afin d'entretenir la consommation et d'éviter la crise économique.

Toutes ces interventions de l'état fédéral, dans à peu près tous les domaines économiques ont un coût: les Etats-Unis sont passés de la 10ème à la 12ème place dans le classement de la liberté économique. Leur croissance est très forte mais il ne s'agit-là que du résultat de l'accroissement des dépenses publiques et des déficits. En d'autres termes, il s'agit d'une croissance obtenue par l'augmentation fictive de la consommation (le rêve des étatistes français), consommation financée par l'emprunt et qui ne pourra se maintenir sur le long terme. Lorsqu'il faudra rembourser tous ces emprunts, non seulement la croissance s'évanouira mais il y aura même une crise économique majeure. Comme les Américains ont gagé leurs maisons pour financer leur frénésie de consommation et n'ont aucune épargne de protection, il y a un gros risque d'une crise de l'immobilier. A la relance keynésienne, Bush a ajouté la création par l'état d'une bulle de consommation qui ne demande qu'à exploser.

En tout cas, une chose est sûre, George W. Bush n'est certainement pas un vrai libéral économique, sinon la position des Etats-Unis n'aurait pas reculé dans l'index de la liberté économique. En fait, Bush n'est partisan de la liberté économique que lorsqu'elle lui permet de donner des avantages aux multinationales pétrolières qui le soutiennent ou lorsque les Etats-Unis peuvent conquérir de nouvelles parts de marché.

Pour le reste, il n'y aucun doute queBush est un étatiste de droite, fort comparable à la clique au pouvoir en France en ce moment-même.