GB vs France
La veille de mon départ en avion, je devais voyager en train, afin de me rapprocher de l'aéroport de Lyon St-Exupéry. Ce jour-là (mercredi 26 janvier), la SNCF s'est mise en grève, afin de protester contre le viol d'une contrôleuse dans un RER de la région de Cahors. Je suis arrivé à destination avec plus de deux heures de retard, heureux néanmoins de n'avoir pas eu à repousser mon voyage à Londres.
A la réflexion, cette grève illustre parfaitement le problème de la France: une minorité de privilégiés, sous des prétextes corporatistes, peut bloquer des milliers de voyageurs, au mépris des régles de service public et de façon complètement inefficace. Si la SNCF avait annoncé cette grève à l'avance, comme elle le fait généralement, j'aurais pu avancer mon voyage ou me débrouiller autrement. Mais j'ai dû subir des heures d'attente, sans information, debout dans un TGV surchargé. J'ai donc eu le temps de réfléchir à la situation de mon pays, si bien représentée par celle de la SNCF.
Les agents de la SNCF sont des privilégiés car ils ne subiront jamais les affres du chômage. Moi qui ai perdu mon emploi 3 fois en 9 ans (deux licenciements pour raisons économiques et un arrêt d'activité avant d'aboutir à une faillite inévitable) et qui me bats aujourd'hui pour stabiliser ma situation, je ne comprends pas comment les Français, peuple épris de justice et d'égalité, acceptent de telles inégalités. D'un côté, le secteur privé, soumis à la concurrence (comme ils disent), avec la pression de la rentabilité aggravée par l'énormité des prélèvements obligatoires. De l'autre, le secteur public, qui n'a strictement aucune idée de la difficulté de travailler dans une entreprise rentable. Encore plus étrange est le fait que les travailleurs du secteur privé, qui peuvent se retrouver au chômage à tout moment, doivent payer des impôts pour maintenir les privilèges des fonctionnaires!
Aujourd'hui, le montant des charges sociales salariales est à peu près équivalent au salaire net: chaque fois que vous recevez 1€ de salaire, votre employeur paye environ 1€ de cotisations sociales. C'est autant d'argent qu'il aurait pu vous payer à vous (puisque c'est votre travail qui a produit cet argent) mais qu'il est forcé de payer à des léviathans monstrueux et inefficaces comme la sécurité sociale. A ceci s'ajoutent les impôts et taxes, comme l'impôt sur le revenu, la TVA, la redevance audio-visuelle et autres taxes que vous payez à chaque fois que vous consommez. Or, une grande partie de ces prélèvements servira, non pas à l'intérêt général comme on pourrait le penser, mais plutôt à financer les privilèges des fonctionnaires. A elle seule, la SNCF absorbe 10 milliards d'euros de subventions par an, c'est à dire environ un quart du montant de l'impôt sur le revenu. C'est peu dire que ses agents ne subissent aucune pression visant à la rentabilité puisque seulement la moitié des recettes de la SNCF proviennent de services effectivement rendus à la population.
Cette grève était corporatiste car des dizaines, voire des centaines, de femmes se font violer chaque jour, y compris sur leur lieu de travail, sans que les contrôleurs de la SNCF se mettent en grève pour autant. Lorsque j'ai demandé des renseignements à un contrôleur qui passait par là, il m'a dit "cette grève n'est pas criticable". Et pourquoi pas? Bien sûr, il est inacceptable qu'une contrôleuse de la SNCF se fasse violer. Mais en quoi cela est-il plus grave qu'une secrétaire qui cède à un harcèlement sexuel ou une gamine des banlieues qui subit une tournante? Parce qu'elle portait un uniforme de la SNCF? Réflexe corporatiste qui exige des autres de la solidarité, alors qu'eux-mêmes ne montrent aucune solidarité envers les autres.
Au mépris des règles de service public car les contrôleurs de la SNCF oublient que ce sont tous les Français, ceux qui subissent leurs grèves irresponsables, qui les payent, sous la menace de la force armée de la république. La SNCF n'est pas une entreprise comme les autres. Elle bénéficie d'une situation de monopole, c'est à dire que la force publique intervient pour supprimer toute concurrence indésirable (notamment les lignes de bus sur autoroute). L'état garantit les "acquis sociaux" des cheminots, en subventionnant la SNCF et son régime de retraite. Ce sont là de droles d"acquis sociaux", financés qu'ils sont par le travail des victimes des grèves! Les Français acceptent cela car, en échange de tous ces sacrifices, on leur promet des trains de bonne qualité. La grève et l'absence de service minimum sont une rupture de promesse (une de plus)!
Pour finir, et on touche là au coeur du système français, les grèves de la SNCF sont inefficaces. En quoi cette grève va-t-elle soulager la souffrance de la victime du viol? En quoi va-t-elle éviter d'autres viols du même genre? Juste une semaine auparavant, il y avait eu une grève de la SNCF, annoncée à l'avance celle-là. Le thème de la sécurité des employés de la SNCF n'avait guère été évoqué à cette occasion, et même s'il l'a été, cela n'a semble-t-il guère servi à grand-chose.
Pour bien faire comprendre comment la SNCF a pu devenir un système fasciste (rappelez-vous: fasciste signifie autoritaire, inefficace, corporatiste et ridicule, comme pouvait l'être le fondateur du fascisme, Mussolini, dont l'un des objectifs était, comme à la SNCF, d'avoir des trains à l'heure en Italie) et pourquoi les Français acceptent passivement de se faire gruger à un tel point, je raconte une dernière anecdote, strictement vraie puisque j'en ai été le témoin de mes yeux.
Lorsqu'il a appris cette grève inopinée, un voyageur a frappé du poing la fenêtre en verre renforcé du bureau d'accueil de la gare où je me trouvais. Ce geste de mécontentement n'a causé ni dégât ni blessure d'aucune sorte. Aussitôt, deux employés de la sécurité présents dans la gare (n'appartenant ni à la police, ni à la police ferroviaire) l'ont empoigné par ses vêtements et le pauvre homme, âgé d'environ 55 ans, d'apparence plutôt modeste et ne présentant strictement aucun danger, a été traîné de force sur le quai vers les toilettes (à une distance d'environ 100m), sans doute pour y subir une douche froide ou quelque chose d'approchant. Devant ses protestations, les cerbères du service public (comment les appeler autrement?) se sont calmés et sont revenus à leur poste. Un seul voyageur (sur les cent personnes et plus qui étaient présents, dont moi-même) les a pris à partie et leur a demandé des explications, de façon plutôt véhémente, sur leur comportement parfaitement illégal, et je me suis reproché, moi qui suis plutôt costaud, de ne pas être intervenu.
Critiquez les services publics et l'état, même si vous ne leur causez aucun mal, osez remettre en cause leur propagande idiote ou simplement exprimez votre mécontentement devant leur incurie et vous pourrez être soumis à toutes sortes de vexations: contrôle fiscal, coupures d'électricité, violences, etc... Les autres "citoyens" (synonyne de bourgeois, ne l'oublions pas) assisteront passivement à votre punition, impressionnés qu'ils sont par l'autorité qui se dégage d'un simple "sécurité" cousu sur un bomber. Il y en aura même qui approuveront: "il l'a bien mérité, ce salaud d'ultra-libéral qui veut détruire les services publics!" Comment ne pas exploser de rire devant de pareils crétins, qui passent leur temps a combattre l'instauration de services publics "à deux vitesses", alors qu'ils travaillent pour la SNCF, où les "deux vitesses", on les pratique depuis l'arrivée du TGV?
Comme aux Etats-Unis, il y a en France tous les ferments du fascisme, du totalitarisme et aussi, espérons-le, de la révolution qui s'annonce. Si, pour une simple critique, on vous punit comme un criminel, il ne faut pas s'étonner que les critiques se transforment un jour en violences réelles.
Par contraste, mon voyage à Londres, avec l'excellente compagnie aérienne Easy Jet (108 € l'aller-retour, à comparer avec les 450€ demandés par la SNCF) fut un vrai plaisir. Enfin un pays qui montre un tant soit peu de libéralisme. Ce n'est pas un hasard si la Grande-Bretagne est l'un des pays les plus libres, tant économiquement que politiquement, et si Londres est la capitale la plus riche d'Europe. Mais j'aurai l'occasion d'y revenir dans un prochain article.